Kisangani finalement !

Byyyyye Kinshasa !

Après six mois de boulot plutôt galère à Kinshasa (horriblement administratif et routinier), je viens d'être muté à Kisangani pour y passer les six derniers mois de ma mission. Kisangani, troisième ville du pays (une demi million d'habitant ?? on ne sait exactement), est située en gros au centre du pays, au bord du fleuve Congo, en pleine forêt tropicale. Il y fait plus chaud qu'à Kin et l'humidité est importante. Au lieu de faire de la visite de lieux de détention comme à Kin, je vais y faire un travail beaucoup plus "terrain" et varié : évaluation des besoins en terme d'autosuffisance alimentaire pour des villages enclavés et développement de micro projets de d’agriculture et de pisciculture (avec des gens sur place car j'y connais rien), collecte d'information sur la protection de la population civile ayant subi des séquelles des combats et démarches auprès des autorités, mission d'exploration de nouvelles zone etc. Normalement Kisangani était ma destination originelle mais pour des raisons de GRH j'ai du rester à Kin à mon arrivée… et me voici donc reparti pour un nouveau poste ; heureusement car je commençais à trouver le temps long ici : question boulot, ce n'était vraiment pas un cadeau ! Par contre je regretterai la ville trépidante et ses habitants, pour la plupart très accueillants.

Vous trouverez ici quelques lignes et photos sur mes derniers jours dans la capitale comme par exemple une soirée passée avec des amis québécois dans une petite parcelle où jouent et dansent des Kasaïens. Soirée tribale pleine de sons hirsutes (les likembé électrifiés, et des percussions volle pétrol), d'invectives du chanteur (qui fait sans doute chamane à ses heures perdues : on prêtait et l'on prête toujours, dans les villages, des vertus curatives à certaines cérémonies chantées et dansées) reprises en chœur par tous les musiciens et de déhanchements bien maladroits pour les mundélés (nous) qui passaient par là. Mais quelle ambiance !

Toujours au niveau musique, voici quelques photos d'un groupe extraordinaire que j'ai revu il y a peu appelé la "Sanza", spectacle très innovant en terme de musique traditionnelle congolaise (trop peut-être pour les COngolais qui sont extrêmement conservateurs dans leurs goûts, tellement fiers qu'ils sont de leur musique qui a triomphé dans toute l'Afrique, jusqu'aux Caraïbes, il y a quelques décennies) mêlant des influences rythmiques nombreuses (Afrique de l'Ouest, Centrale, bossa, reggae), des mélodies splendides.

Le tout est chanté par un griot jouant sur des xylophones construits à partir de matériaux de récupération (la plupart des musiciens de Kin n'ont pas les moyens de s'acheter des instruments comme une guitare ou une batterie, faute de moyen… ils les louent juste pour les concerts). Le spectacle est dansant, vigoureux et non dépourvu d'humour… il suffit d'entendre les rires et les clameurs du public congolais présent ce soir-là ! Ce groupe c'est du talent à l'état pur, une imagination et une audace peu commune ici et une gentillesse, un sourire qui discrédite d'emblée les infectes méga-stars congolaises : rois de la sape et du toc par la même occasion, elles sont obtuses dans leur musique et aussi vulgaires et imbues de leur personne que les pires rappeurs US. La "Sanza" ce sont des bosseurs et de vrais pros (ce qui est rare aussi ici car les Congolais ont tendance à s'improviser dans toute sorte de disciplines artistiques (de percussionniste à cinéaste en passant par danseur) mais sans en posséder une à fond) et je leur souhaite bon courage car leur musique mérite d'être mieux reconnue au Congo et au-delà… en Europe pourquoi pas car la Sanza représente ce qu'il y a de plus appréciable chez les Congolais. Je vais d'ailleurs essayer d'envoyer leur pressbook et leur démos à quelques salles de concert en Belgique et en France, si quelqu'un à des idées à ce niveau, c'est plus que bienvenu !

Vous trouverez aussi quelques photos d'un concert de rappeurs de Goma dont le CICR a financé un CD 6 titres car ces neuf jeunes rebelles rappent sur des thèmes chers au CICR : la lutte contre l'enrôlement des enfants dans l'armée, contre l'impunité des autorités responsables, le tiraillement de ces jeunes qui sont à la fois bourreau et victimes (enrôlés de force, ils ont souvent du tuer et piller), la réinsertion difficile dans la vie civile, les violences faites aux femmes durant la guerre etc. J'ai été les voir enregistrer en studio où ils travaillaient avec beaucoup de sérieux et un esprit d'équipe étonnant. Le résultat est un disque fait avec professionnalisme, toutefois on sent qu'ils n'ont pas encore atteint leur maturité musicale (ils ont entre 15 et 17 ans) et que le CICR a "réécrit" (assez mal!) certains textes. Un hit potentiel quand même : "Pourquoi?" (laisser les enfants dans l'armée) ; pour ceux que ça intéresse, je peux leur envoyer le mp3...  Sur scène ils étaient convaincants malgré les moyens techniques et musicaux rudimentaires. Le but est que le groupe aille chanter dans les CTO, centres de transit et d'orientation qui vise à réinsérer les jeunes dans une vie "normale" mais je ne sais pas si le CICR interviendra dans cette partie du projet. Par contre un des gros travaux de mes collègues du CICR au Congo est de retrouver la trace des familles des enfants soldats et de les réunir avec leur famille, lorsque celles-ci veulent encore bien d'eux…

Voilà il y a donc eu beaucoup de bons moments musicaux à Kin ces derniers temps mais j'ai également pu découvrir quelques peintres intéressants en arpentant quelques galeries de la ville.

Voici un exemple de ce que j'ai acheté au peintre Masengo qui, après être passé par différents styles, exploite maintenant ce style de lignes très épurées tout en enchevêtrant plusieurs dimensions sur le tableau. Ce tableau emprunt de motifs traditionnels (masques, poisson) est intitulé "Un pas vers l'avenir"… on retrouve bien dans le pas de cette mama, ce mouvement dynamique… puisse-t-il se répercuter sur l'ensemble des Congolais qui ont bien besoin de sortir de cette période de "transition", interminable à leur yeux…

Je terminerai cette rubrique en recommandant vivement à ceux qui s'intéressent un peu aux balivernes que je raconte sur ce pays surprenant, d'aller voir le film "Congo River" de Thierry Michel (rien à voir avec Louis bien que les deux aient consacré beaucoup de leur énergie au Congo, les premier avec le documentaire "Mobutu roi du Zaïre", le second on ne va pas en parler cette fois-ci !). J'ai eu l'occasion de le voir à Kin en octobre et la productrice m'avait dit que le film sortirait en janvier en Belgique. Soyez donc attentif car vous le trouverez uniquement dans des salles comme le Vendôme ou l'Arenberg… c'est donc pas un bloc buster mais c'est vraiment un film passionnant pour qui veut approcher un peu les multiples facettes de la vie et de l'histoire des Congolais, et au gré d'images superbes car c'est le fleuve Congo, remonté de l'embouchure à la source "magique", qui sert de fil conducteur au film… Ah oui j'oubliais, le photo avec le lion là au dessus a été prise devant le palais présidentiel qui ouvrait ses portes pour comémorer les morts, les 16 et 17 janvier derniers, de Kabila (2001) et Lumumba (1961)...

Voilà comme je vais continuer ma mission sur un mode un peu moins malembé-malembé (pèpère, doucement) qu'à Kin, je ne sais pas si j'aurai encore le temps de beaucoup actualiser mon blog : ce sera une fois par mois dans le meilleur des cas sinon tous les deux mois… Je n'enverrai plus d'e-mails collectif non plus pour signaler les nouveautés mais hentouka, revenez nous voir de temps en temps et n'hésitez pas à laisser vos commentaires…

Soundtrack janvier (toujours high in the clouds au début puis très bluesy; malheureusement toujours pas de son, j'ai vraiment pas eu le temps de m'occuper de cela!!) :

1. Laika :
   T. Street
2. Opus III : Dreaming of now (moving closer to the heart of the sun)?
3. Radiohead : Mixomatosis (little little little naïve)
4. Pink Floyd : Set the control for the heart of the sun
5. Stevie Ray Vaughan : Tin Pan Alley (Aka the roughest place in town)
6. Jessica Rabbit : Why don't you do right?

7. Ella

   Fitzgerald & Joe

   Pass

   : I ain't got nothing but the blues
8. Eric Clapton : Walking blues (feel around from my shoes...)
9. Muddy Waters : Catfish
10. Ray Charles : Hard times
11. Led Zeppelin : Since I've been loving you (inusable et toujours aussi poignant!!)
12. The Doors : People are strange (peu de gens "normaux" dans ce boulot...)
13. Rainer : Lament of Love
14. Quentin Dujardin : Durnal sous la pluie
15. Daniel Lanois : The Maker
16. Jacques Brel : La tendresse

Pour ceux que ça intéresse, ce qui se rapproche le plus de ce que j'ai entendu peut être trouvé sur le CD Konono n°1 Congotronics sorti l'an dernier sur le label belge Crammed (attention aux oreilles car c'est quand même très brut).

Comments

[Mwouais...]

Vivement la suite du Jungle Jack Book !!!

[Samuraï de Salsa]

Congo River passera au Vendôme à partir du 20 février 2006, l'avant-première étant prévue le 19 février mais uniquement sur invitation (pour ceux qui veulent gagner des places: http://www.lesoir.be/Form/CONGO.html).