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Cloudsleeping
15 avril 2006

On the road

On the road : emprunt un peu facile du titre du l'incroyable roman de Jack Kerouac pour faire un petit tour du Congo par terre, air et eau et aussi l'occasion de faire de ces prochaines rubriques une odieuse trilogie. Pour ne rien faire de façon logique, on va commencer ce on the road sur les eaux, celles du mythique fleuve Congo sur lesquelles j'ai joué aux matafs d'eau douce, embarqué dans une énorme pirogue.

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Embarquement au "beach" de Kisangani, c'est tout ce que la ville a comme port, c'est-à-dire un rivage boueux où une bonne quinzaine de pirogues attendent pour faire traverser personnes et marchandises vers l'autre rive. C'est un peu le chaos et il faut se faufiler parmi les sacs de riz et de manioc, les chèvres ou les motos qui sont entrain d'être chargées sur les pirogues rafistolées. Le CICR possède la plus grosse… de la ville. Elle a été spécialement commandée par un des chefs de notre délégation il y a 5 ans qui s'était rendu en pleine forêt pour sélectionner l'arbre dans lequel elle serait creusée. Résultat, une pirogue de 30 mètres de long, 90 cm de large et capable de supporter jusqu'à 3 tonnes de chargement… un poids lourd des voies fluviales. Là on a embarqué à cinq personne seulement et comme on redescend le fleuve, c'est presque du hors bord qu'on fait ! On va visiter deux villages de lépreux situés le long du fleuve pour lesquels le CICR a financé la construction de latrines par l'intermédiaire de la Croix Rouge congolaise.

dscn05731Le coup d'œil de la pirogue est assez majestueux : les berges sont envahies d'une végétation exubérante, sauvage : palmiers de 10 mètres de haut, bouquets de bambous géants poussant comme des mauvaises herbes dont les branchages retombent comme des saules pleureurs en offrant un coin d'ombre salutaire, roseaux et papyrus, arbres gigantesques dont les cimes et les branches s'élancent vers le ciel immense, comme pour mieux s'affranchir de leur terre. Comme pour les retenir pourtant, ils sont rattachés au sol par des ribambelles de lianes qui serpentent inlassablement entre chaque branche (qui sont tout un biotop en soi sur lesquelles vivent d'autres plantes spécifiques, fougères, fleures etc). Spectacle étonnant de toute cette flore invisiblement mouvante, qui d'abord s'enlace de partout en tissant de redoutables amarres végétales et s'extirpe ensuite en de verts lambeaux. D'autres arbres, à peine moins hauts, font converger leurs branches toutes à la même altitude, formant ainsi une sorte de plancher en plein ciel. Feuillages de palmes déchiquetés, lianes abandonnées, cimes crépues ou étouffées, branches surchargées ou décharnées se détachent ainsi dans l'intense ciel bleu et leurs amours et désamours tissent comme une verte dentelle sauvage aux formes biscornues, aux hasards de l'époustouflante végétation tropicale. On trouve encore une foule d'autres végétaux aux noms exotiques à peine connus pour pouvoir être cités en français...

Par endroit les berges surplombent le fleuve, dominant les eaux de plusieurs mètres. On y voit les traces de l'érosion laissées lors des crues sur leur terre rouge. Les berges présentent par endroit de vastes estuaires et de petites échancrures dans leur tapis vert : ce sont toutes les rivières (ruisseaux ou rivière comme deux fois la Meuse) qui viennent gonfler le fleuve et lui donner toute sa puissance qui n'en finit pas de croître tout au long de son parcours vers l'océan.

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Ici et là, on croise quelques piroguiers qui s'en vont faire commerce de village en village. De petites îles pointent à l'horizon leur vert refuge ; les militaires s'en servent parfois comme poste d'observation. On croise également l'énorme barge qui relie Kisangani à Mbandaka puis Kinshasa (en mettant pied à terre car tout le fleuve n'est pas navigable), le même style que l'on découvre dans le film Congo River si ça vous dit quelque chose. Elle est évidemment pleine à craquer et on devine les insupportables conditions de voyage…

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A peine quelques villages de pêcheurs vivant au rythme du fleuve sont plantés le long de notre parcours… bref pas grand monde dans les environs… c'est bel et bien la forêt vierge, sauvage et inexploitée qui nous entoure… Je pense à Stanley qui lors de son exploration de cette partie de l'Afrique centrale (vers 1880?), avait remonté ce fleuve, parvenant ainsi à pénétrer bien plus loin qu'aucun autre auparavant les indomptables terres congolaises (soit jusqu'à Kisangani qui auparavant s'appelait Stanleyville)… Quelle fameuse expédition ça a du être !

Bref moi je suis pèpère sur ma pirogue à moteur depuis plus de deux heures et il est grand temps pour moi de me souvenir que j'étais parti sur ce rafiot pour aller travailler (et pas pour divaguer, comme j'en ai l'habitude) car on est en train d'accoster au village de Yakusu.

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On y voit les scènes quotidiennes de la vie au fil du fleuve : pêcheurs tirant leurs filets plein de poissons-chats et dont les coups de "pagaies" sont accompagnés de chansons chuchotées, piroguiers déchargeant leur cargaison tout en racolant bruyamment d'éventuels passagers pour rentabiliser le retour à leur village etc.  L'embarcadère est le lieu de bien des commerces mais aussi une salle de bain où les mamas font prendre leur bain à leurs enfants ; c'est aussi là qu'elles viennent faire leur vaisselle ou la cuisine. Enfin puisque c'est là que l'on trouve l'eau à profusion et gratuitement, les heureux possesseurs de vélo viennent y faire le car-wash de leur précieuse machine.

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Les enfants, toujours curieux de voir débarquer un muzungu (lé blanc), s'approchent de notre imposante pirogue et m'invectivent, rigolent (de moi sans doute) avec notre piroguier qui, sourire en coin, fait mine de ne pas leur prêter attention. Pour savoir ce qu'il en est des latrines construites pour les lépreux, je vous renvoie à mon rapport, référence KLD-06/38.92-17 (TR xk 75) du 14.03.06 envoyé en 5 exemplaires dans les différents services concernés.

On poursuit la descente du fleuve et notre travail vers un autre village, Yalisombo.  Peu avant d'y dscn05782arriver, le fleuve s'élargit encore et on aperçoit au loin une immense île qui domine les flots. Elle est appelée "Belgica". Mais qu'est-ce qu'elle a fait pour être appelée ça ?? Est-elle peuplée par deux tribus bornées, aux dialectes incompatibles ? Y avait-on découvert du charbon plutôt que des diamants ? Son port avait-il été ensablé par la vengeance des eaux ? Non c'est juste que, paradoxalement, cette île  est très, très grande : elle fait 10 km de long sur 2 de large (ça donne aussi une idée du fleuve à cet endroit…). Comme toujours, on se voit toujours plus grand que ce qu'on est réellement, plus on est un petit, plus on doit s'inventer et s'arroger une grandeur, une puissance qu'on a pas (bon n'exagérons pas, on n'est pas comme les Français non plus)… c'est un peu l'histoire de la Belgique et du Congo… minuscule pays venu coloniser un colosse de l'Afrique centrale 80 fois plus grand… question de se donner une pointure de plus.

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Soundtrack avril encore :

Un mélange un peu bizarre de prime abord (electro, slows, pianos, jazz, trip hop, techno) mais le fil conducteur et les enchaînements sont là ; il suffit d'écouter et vous trouverez le fil…

1. Laurent Garnier : The Cloud making machine (part1 : une autre histoire de cloudsleeping)

2. Radiohead : Everything in its right place (chaque note du clavier tombe comme une plume un nuage)

3. Tori Amos : Tell me why

4. B.O.F. Bagdad Café : Calling you (quelle cri!)

5. Anne Pierlé : As sudden tears fall

6. Sarah Mc Lachlan : Adia (let yourself believe…)

7. Nina Simone : Wild is the wind (tous ces morceaux ici sont des perles mais celui-là donne le frisson… seule la suivante l'égale en intensité, en tristesse)

8. Jacques Brel : La chanson des vieux amants

9. Nick cave : Wonderful life (nocturama)

7. The Doors : The crystal ship (le trip commence)

8. Apollo 440 :Electroglide in blue

9. Jim Clark : Paraguay

  1. Doof : let's turn it on

  2. Vitalic : The Past

  3. Brian Eno : By this the river (wonder why we came) dejà mis ou avec no hits bm?

  4. Urban Species : Blanket

  5. Leftfield : Original (but the wrong way)

  6. Underworld : Born slippy (juste 2 accords et une melancolie insondable)

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  • Une lieu indéfini où trouver un peu de musique et un peu de repos... comme un petit somme sur un nuage... On y trouve des émissions de radio, des chroniques de disques, des récits de voyages, des photos...
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