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Cloudsleeping
1 mai 2006

On air

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Par air :

Second volet de la rubrique "on the road"… par air cette fois. On air, en direct, d'une authentique séance de cloudsleeping… genre s'installer mollement sur l'un de ces nuages, haut dans le ciel, quel délice. Et tout cela grace à l'avion CICR bien sur ! Quelques propos vaporeux donc… mais bon, on est là pour bosser surtout.

Le CICR est le seul organisme humanitaire à disposer de ses propres avions au Congo (à part la MONUC qui forme, rien que pour le Congo, la plus grande "compagnie" d'aviation d'Afrique !), soit un vieux Douglas DC-3 (presque un cargo) datant des années 50 et un petit Beechcraft plus récent. Cela nous facilite grandement la tâche lors de nos opérations d'assistance (distribution de kit de survie/nourriture pour les personnes déplacées/réfugiées, distribution de semences et outils pour nos programmes agro etc.) et d'exploration humanitaire et sécuritaire (on embarque une équipe avec les motos dans l'avion). Les routes, catastrophiques à travers tout le pays, demanderaient de nombreux jours de voyage dans des conditions épuisantes (bourbiers de plusieurs Km, tracasseries d'hommes en arme etc.).

Sur ces petits avions (qui ne prennent guère plus de 12 personnes à bord plus du fret), un voyage est moins convenu et monotone que sur un grand avion de ligne. Le meilleur pour moi c'est toujours le décollage : ça tangue, ça bouge dans tout les sens car ces poids plumes sont assez sensibles au vent… puis c'est toujours le même prodige de cette masse qui réussit néanmoins à déjouer les lois de la nature. Et ce qui est assez impressionnant, c'est que dans un petit Beechcraft, on a le nez dans la cabine de pilotage : on assiste donc à cette ascension dans le ciel en direct et ce sont de bien belles images que de voir l'avion qui s'élève souplement du sol s'en aller, (presque) imperturbable, à l'assaut des nuages.

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Les aéroports. Je ne dispose pas de photos là-dessus car ils constituent des aires où toute photo est proscrite vu que ce sont des endroits hautement stratégiques… Pourtant ils sont un petit monde en soi.

Celui de Bukavu (à l'Est du pays) est un véritable cimetière d'avion, spécimens de tous les vieux zincs du Congo : on trouve plein de très vieux Antonov, des carcasses de DC-3 trépassés, vieilles Caravelles immobilisées et en état de décomposition avancé. En bout de piste, on croise même quelques bi-plans aux antiques moteurs en étoile présentant encore les identifications en lettres cyrilliques, on y distingue encore Aeroflot... Un des gardiens nous propose à mon collègue et à moi lorsque nous explorions ces vieux chancres, de nous revendre telle carcasse pour 20$ ; bien sûr elle n'est pas à lui mais il essaie quand même… Ça me fait penser à ce type dans les environs de Charleroi qui a racheté une carcasse d'un tout vieux Boeing qu'il a réaménagée je ne sais où en un bar carolo bien branché !

Ce qui rajoute à l'aspect cimetière, c'est que tous ces avions sont plus ou moins cannibalisés comme on dit ici, c'est-à-dire qu'on est venu se servir de différentes pièces, des sièges au moteur, à différents usages privés. Les carcasses plus ou moins décharnées restent donc là à pourrir à la pluie et au soleil servant d'habitation pour quelques familles de soldats qui font sécher leur linge sur les vieilles hélices d'un quelconque Fokker ou Piper hors d'usage et se servent des ailes pour s'abriter du soleil. Sur le tarmac on voit quelques vieux ex-colons baroudeurs, cheveux blancs, bedonnant qui essaient de redonner vie au moteur d'un vieil avion cargo d'une ligne aérienne congolaise figurant sur toutes les listes noires de l'IATA.

Outre son cimetière qui rassemble comme toujours toutes les générations, ce qui frappe en arrivant à cet aéroport, c'est les vertes collines qui nous cernent. On est bien loin des plates forêts tropicales de Kisangani. A l'Est du pays le relief est beaucoup plus accidenté, l'altitude augmente (1000m (?) à Bukavu) et la température baisse. Ces collines (jumelles de celles du Rwanda, dit aussi le pays des mille collines, situé juste à côté) sont bien jolies et leurs couleurs vertes si intenses tout à fait accueillantes. Et de fait Bukavu a l'air d'être une ville sympa perchée à flanc de ces abruptes collines qui plongent dans le lac Kivu (l'un de ceux de la région dite des "Grands Lacs"). Les couchers de soleil sont parait-il splendides et les humanitaires s'accommodent bien vite des conditions de vies basiques grâce aux avantages que l'on peut trouver autour d'un lac : un collègue s'est acheté une pirogue et fait son petit parcours matinal comme d'autre leur jogging, d'autres font du ski nautique à l'aide d'un vieux bateau loué à un privé ou bien un petit pic-nic au plein lac le week-end… y serait-on aussi bien que sur le lac Léman ?

L'aéroport et la ville de Goma : ce qu'il y a d'unique à voyager avec ces petits avions, c'est qu'on atterrit dans des coins pas possible. Goma est l'un de ceux-là. C'est une petite ville située également sur le lac Kivu mais tout au Nord, soit à l'opposé de Bukavu. Pourtant plus question de vertes collines, ici on est plus haut en altitude (1500m) et en pleine zone volcanique... C'est un vrai cirque de montagnes sombres mystérieuses et lointaines qui entoure la partie septentrionale du lac et dont le sommet est un volcan : le Nyiragongo (=la vieille femme voûtée). Il est toujours en activité et fulmine à 3470 mètres d'altitude.

Pour les manœuvres d'atterrissage, on le contourne (de loin) puis on survole des myriades d'îles tout en essayant de les raccrocher à l'une ou l'autre des berges de ce lac totalement informe et déchiqueté vu son origine volcanique. On se pose ensuite sur un curieux tarmac en gravier (curieuse sensation à l'atterrissage) avec des habitations plantées à moins de 100m de la piste. Voilà de quoi faire bondir les riverains de l'aéroport de Zaventem ! en tout cas on est dans une région explosive au propre comme au figuré : la situation militaire de plus en plus tendue dans la province et plus concrètement, le lac renferme en ses entrailles une énorme quantité de méthane (?) compressé qui, en cas d'irruption volcanique, pourrait s'échapper, à son tour exploser et rayer cette région de la carte.

Littéralement au pied de ce volcan et en bordure du lac, la ville de Goma est également le centre de toutes les convoitises militaires car au cœur d'une province particulièrement riche en minerais. Et pour ne rien gâcher elle fut, comme disent les journalistes, durement touchée par une irruption volcanique en 2002. Les dégâts sont encore visibles : en quittant l'aéroport, on longe une épaisse croûte de lave noire. L'une des coulées, longue de 14Km, a englouti les baraques de milliers d'habitants, les forçant à s'installer un peu plus loin, c'est-à-dire en bordure de la piste d'atterrissage (une idée pour M. Anciaux ?). D'autres ont eu plus de chance : ce n'est que le rez-de-chaussée de la maison qui a été emprisonné à jamais dans la pierre durcie…il leur reste l'étage ! Plus à l'intérieur de la ville on voit aussi des carcasses calcinées des dizaines de véhicules qui se trouvaient sur son passage. Ils sont à présent à moitié engloutis par la lave dans des positions incongrues, témoignant du chaos amené par les deux coulées lentes mais inexorables qui ont pétrifié une partie de la ville en une sorte d'étrange musée des catastrophes naturelles.

Devant pareille catastrophe (qui fit heureusement très peu de victimes!), on se doit de souligner le grand sens pratique des Congolais : comme ils ne perdent jamais une occasion de ne pas se fatiguer (ce que je considère comme une grande qualité!), ils ont pu faire chauffer leur eau sans faire de feu ni besoin d'électricité, mettant les casseroles à même la lave déglutie du volcan… une fois celle-ci légèrement refroidie ! Cela ne serait qu'une anecdote si on ne voyait là derrière cette idée géniale une nouvelle forme de domestication du feu via l'énergie tellurique… de vrais prométhéens ces Congolais !

Comme à Bukavu, le CICR possède des maisons au bord du lac : le soir, le soleil s'y couche dans un éclatant reflet, en disparaissant derrière les noires montagnes. A cette vue, que de calmes pensées me gagnent lorsque je m'installe sur la terrasse du jardin. Tout au fond de celui-ci, j'aperçois l'un de nos gardiens qui surveille l'accès à la résidence par le lac : à contempler chaque fois pareil spectacle au bord de l'eau, il y a de quoi devenir poète en deux jours, si c'était son métier...

Mais retour maintenant à l'opérationnel : parfaite jonction avec le dernier volet de cette odieuse trilogie, voici notamment à quoi sert la flotte des deux avions du CICR : à nous droper dans des lieux pratiquement impossibles d'accès (à moins de faire 3 jours de moto, ce qui arrive quand même souvent : cf. prochaine rubrique) et de là pouvoir lancer des missions d'évaluation des besoins humanitaires et de la situation sécuritaire.

La photo de dessus parle d'elle-même. Cela donne une idée des moyens logistiques que le CICR est capables de déployer pour nos missions (ce qui nous vaut de rencontrer beaucoup d'envieux mais on partage nos appareils quand même!) : on embarque 4 motos en une équipe de 8 personnes dans l'avion ainsi que tout le matériel adéquat (essence, tentes, outils, téléphone satellite, eau etc) et on se pose sur une piste pas trop pourave lorsqu'on en trouve une… Sur la photo on a atterri sur un tronçon de route construit dans les années 80 et encore en bon état (sur 100km environ, le reste étant un gigantesque bourbier) et large d'une dizaine de mètre. On peut donc commencer à débarquer les motos et le matos, la mission sur terre peut commencer ! Sur l'étroite route, il faut juste encore faire pivoter l'avion sur lui-même pour le faire décoller sur la bonne partie de la route. On le pousse en plusieurs fois grâce à l'aide des villageois venus assister à ce spectacle inhabituel et on le réoriente pour pouvoir prendre la piste dans le bon sens… les hélices commencent à tourner à fond la caisse… et tout à coup le pilote débloque je sais pas quoi (les freins?) et l'avion est comme catapulté sur le tarmac de fortune…il s'élève et repart à l'assaut des nuages.

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Soundtrack fin avril : la bonne liste pour un trip dans les airs aurait été celle de la rubrique précédente où avec tous ces claviers éthérés j'avais mis ce qu'il y avait de plus aérien et cloudy sans le savoir. Mais qu'importe il y a toujours moyen de se surpasser et les surprises des écoutes aléatoires (Out of grace) et des nouveautés (Lisa Papineau) sont nombreuses… Début on ne peut plus planant avec des voix world de toute grande qualité. Ensuite on évolue vers une techno parfois assez hard (Vitalic), allez savoir pourquoi, puis on termine avec quelques has-been souvenir…

  1. Sheila Chandra : Ever so lonely (perdez pas votre temps avec Enya : c'est une vraie voie ici!)

  2. Shweta Jhaveri : Amida

  3. TransGlobalUnderground : Monter au ciel

  4. Lisa Papineau : Out to you (parfait pour voler haut dans les nuages)

  5. Death in Vegas : Dirge

  6. Vitalic : Poney (part 1)

  7. Mackenzie : Out of control

  8. Anne Clark : Our Darkness (Total Eclips remix : de la balle)

  9. Out of Grace : Anglia (encore un de ces trucs dance totalement incensés)

  10. Starsailor : Four to the flour

  11. Insomnia : I can't get no sleep

  12. Mylo : Zenophile

  13. Gary Newman : Are friends electric ? (Live)

  14. Front 242 : Headhunter

  15. Telex : Rock around the clock (en vocodeur c'est encore + navrant)

  16. Robert Plant : Tin Pan Valley (qui nous fait presque de la techno?)

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