Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cloudsleeping
7 octobre 2006

Zulfiqar

bxl_kab2

Kaboul… mais qu’est-ce que j’aillais faire là-bas maintenant ! Il y a environs trois villes dans le monde où à peu près personne ne voudrait jamais mettre les pieds, c’est Bagdad, Kaboul et Beyrouth qui vient de reconquérir un statut proche de celui de ses deux consoeurs. Cités symbole des guerres de libération contre l’oppression ou bien capitales du désastre de la politique internationale, je ne me prononcerai pas ici. Travaillant pour un organisme neutre, impartial et indépendant (chacun de ces mots est essentiel pour pouvoir travailler ici), je suis tenu par un devoir de réserve et ne commenterai donc pas ce qui fait l’actualité.

Toujours est-il que mon boulot à présent, c’est en plein dedans, ici, la capitale de l’Afghanistan à

6000 Km

de chez moi, deux jours de voyages et 5 avions différents ! Dans l’appareil qui menait à Doha je décomptais les raisons qui m’entraînaient vers ma nouvelle destination et tentais de deviner celles des autres passagers : les splendeurs des mosquées d’Iran, l’Inde et la route de la soie ? Les villes ultramodernes des pays du golfe persique ? Le pèlerinage à

La Mecque

? Rien de tout cela pour moi. Ce qui m’attend c’est plutôt les vieilles montagnes croûteuses de l’Afghanistan, la misère et la guerre, l’analphabétisme, l’extrémisme, c’est vers ça que je vais… étrange quand même.

kabul_loin

« Mais qu’allait-il donc faire donc cette galère ? », répétait sans cesse Sganarelle ( ?) comme une rengaine comico-dramatique devant les projets insensés de Léandre… Pour ma part, je pose la même question et ne sais pas plus que lui… non certes ce n’est pas pour l’amour comme cet hédoniste de Léandre, pire encore je m’en éloigne (et la retrouverai), ni même pour les charmes de la grande Perse comme les chantait

la Lady

héroïne de Gainsbourg… Je peux juste me répéter cette phrase de la pièce de Molière comme une berceuse, un karma… alors que j’aurais pu être calmement chez moi, un quelque part entre quatre murs et laisser glisser sereinement la vie pour laquelle je suis vraiment fait, soigner mes bobos chez un psy, me bourrer la gueule en boîte par excès de facilités, me goinfrer de baba au rhum et… et puis non, pour je ne sais quelle idée saugrenue, j’y retourne dans ce curieux métier d’humanitaire… moi qui envisageais de me reconvertir en taximan lors de mes déboires au Congo !

Faut croire qu’il y a un produit pour chaque type de client : comme pas mal d’autres en fait, je suis peut-être victime de l’image humanitaire : aider avec ce qu’on a des gens qui sont plus faibles, fragilisés, humiliés par la vie, travailler pour contribuer à ce qu’ils restent des êtres humains dignes, debout, fraternels… bref aider, sauver parfois, croire que le fond de l’être humain est bon et qu’on peut améliorer deux trois trucs dans ce monde et qu’un semblant de justice survient un jour, tout ce genre de bordel quoi (oui, c’est parfois le bordel de vouloir faire le « bonheur » des autres malgré eux !) ; pourtant tous ces trucs, ça fait longtemps que je n’y crois plus vraiment, l’image a bien jauni depuis. Mais curieusement, j’ai la faiblesse de croire, que pour quelques instants encore, cette vieille image correspondra à ce que je suis et à un travail pour lequel j’ai peut-être un rôle à jouer… réponse à la fin de cette mission, quel que soit le moment où cela arrive.

kab3

On trouve –ou on ne trouve pas- un boulot qui correspond à l’idée qu’on se fait de soi-même mais ce n’est parfois que pure spéculation voire vanité de s’identifier à quelques images fortes comme l’humanitaire, la finance internationale, la pub, le cinéma, starlette de la pop à minerval, filles sans talent mais à Hawaii, flot sinistre de boue de bobos bruxellois, business angel dans le e-commerce, gras tycoon millionnaire à 30 ans, membre de délégations parlementaires de haut niveau, CEO de PME en Brabant wallon ou que sais-je encore. Je ne suis d’ailleurs pas sûr de ne pas me fourvoyer et me dis parfois que je ferais mieux de rester dans mon pays où je pourrais tout aussi bien m’acquitter d’un travail tourné vers les plus vulnérables. Mais de tous ces tangages me restent surtout l’envie de garder une porte sur le monde et entrevoir d’autres lieux, cultures, civilisations, approcher la façon de voir d’autres personnes, toujours tellement différente, du fermier-soldat du Middle-West à mon voisin de chambrée, des simples Afghans qui essaient simplement de survivre, aux fameux Talibans (d’où vient cette haine de l’Occident, qu’avons-nous voulu voir chez ces gens-là ? Et Lepen dans tout cela ? Et comment croyez-vous qu’un Taliban accueille un enfant qui vient de lui naître ?). Quelle est la part d’humanité qui nous relie tous, au-delà des nos différences géographiques, culturelles et religieuses ? Voilà autant de questions que je ne me lasse pas de confronter à ma faible conscience et qui ont probablement fini par m’éloigner de chez moi.

Et résultat, back dans les backs à Kaboul… comme délégué à la détention  c’est-à-dire la visite des prisonniers de guerre ou en rapport avec le conflit… et en gros le sentiment de se retrouver au cœur d’une problématique mondiale. Après avoir travaillé au total un an et demi en Afrique, c’est bien de changer de contexte et, si ardu qu’il soit (règles de sécurité très restrictives donc vie cloîtrée et un peu précaire, guerre : le lendemain matin de mon arrivée je fus déjà réveillé par une explosion ; lisez attentat suicide), celui-ci me semblait intéressant tant par son actualité que la dimension culturelle, au sens large du terme. Cet enthousiasme durera ce qu’il durera… au moins avant de partir d’ici j’ai revu ma famille et pas mal d’amis, et ce, jusqu’au dernier moment (dont le dernier fut Raph, qui avait fait un saut de Bahreïn jusqu’à Doha, le temps de se faire un resto au sommet d’un hôtel de luxe –là il n’y a que ça- sur la minuscule péninsule du Qatar, juste avant que je n’embarque pour le Pakistan). Tout cela réchauffe le cœur et c’est le genre de vibrations positives qu’il faut emmagasiner pour affronter les hostilités diverses de la vie d’humanitaire.

kab

Cependant on est vraiment loin de tout dans une ville comme Kaboul, plus loin encore que ce que j’ai pu l’être lorsque j’étais dans les villages les plus reculés du Congo. Ici je me retrouve au milieu de deux mondes qui ne se connaissent pas et ne se parlent pas, contrairement à un pays comme le Congo ou la plupart sont habitués depuis fort longtemps à la présence des Occidentaux, pour le meilleur et le pire.

Aujourd’hui, il existe des outils de communication tout à fait incroyable incroyables comme l’e-mail, Skype (jackdavid73) ou encore Google Earth (vous pouvez voir jusque dans mon jardin ici à Kaboul !) ; il n’y a plus de distance sur cette planète. Mais je vous garanti qu’avec les gens que je côtoie ici il y a un monde et c’est cette distance-là qui est la plus difficile à franchir : on ne parle pas en minutes de téléchargement, mais en valeur humaine. Mais on n’en n’a pas beaucoup quand on a le cœur plus étroit qu’une pièce de 10 Cents comme moi. Heureusement, je sais juste que quand on voyage, il faut avoir des racines solides et prendre pour tout bagage un vrai sourire d’ami et un bonjour (Salam !), après, on verra bien.

Pour terminer cette nouvelle rubrique, je dois dire que j’ai reçu pas mal d’encouragements pour continuer ce blog et ça fait très plaisir. C’est un peu comme préparer un bon repas : si on fait la popotte que pour soi-même, c’est pas très passionnant, mais si on la partage avec les autres, là ça devient amusant ! Alors je vous attends… Pareil pour la musique : à défaut d’avoir un link, vous trouverez certains de ces morceaux sur www.radioblogclub.com. Sur Kaboul et le contexte afghan, vous l’aurez compris, je n’en dirai pas grand-chose mais je vais essayer d’alimenter ce blog au gré de mes voyages dans la région (bien que cloîtré, j’aurais quand même des vacances). Je vous fixe donc rendez-vous dans un mois lorsque je serai revenu d’un week-end à Samarkand, une des villes mythiques de l’ancienne route de la soie…

Zulfiqar Zaterdag

Soundtrack septembre :

  1. Cibelle : Train station (voilà toujours le même genre d’intro pour ceux qui se souviennent des soundtrack des débuts)
  2. Hooverphonic : Inhaler

  3. MIG : Mother river

  4. Girls in Hawai : Bees and butterflies

  5. Cure : Just like heaven

  6. Tim Keegan : Survivor

  7. Serge Gainsbourg : My lady héroïne
  8. Henri Salvador : Itinéraire (juste pour ces mots : je me ballade dans la vie sans me faire de soucis, un soleil au font du cœur, car au fond, j’en suis certain, le plus beau jour c’est demain)
  9. Jeff Buckley : Hallelujah

  10. Thom Yorke : Black Swan

  11. Balléké Sissoko : Tomora

  12. Bob Dylan : It’s all right ma (I’m only bleeding) live

  13. Free: The hunter

  14. GZR : Invisible

  15. TC Matic : Putain putain

  16. Ben E King : Supernatural Thing

  17. DJ Format : Ugly brother

  18. Grand Master Flash : Frredon

  19. Miss Elliott : Can’t stop

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Back to belgium: http://elections2006.wallonie.be/
Cloudsleeping
  • Une lieu indéfini où trouver un peu de musique et un peu de repos... comme un petit somme sur un nuage... On y trouve des émissions de radio, des chroniques de disques, des récits de voyages, des photos...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité